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[Critique] Le Fléau : Être au Futur

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Message par Admin Sam 5 Déc - 1:40

[Critique] Le Fléau : Être au Futur

Alors, ce “Fléau” ?

Les réactions ne cessent d’affluer, ici et là. Je vois pas mal des auditeurs, des gens qu’on ne connaît pas, qui semblent coller à deux types de réactions, en résumé : “C’est Gims, mon artiste favoris, il est polyvalent, c’est le Goat”, contre "l'album"chante trop", voir même, qu'il y aurait dessus des plagiats (on y reviendra bien entendu). “C’est quoi cet album pourri c’est pas comme je voulais”, cette dernière se couplant très fréquemment, mais non exclusivement, au fameux “le rap c’était mieux avant”.

Ce n’est pas forcément faux, hm ? En tout cas pour les rappeurs. Ceux qui étaient bons le sont aujourd’hui moins. Quoiqu’on en dise, y compris des pointures si différentes comme Youssoupha, Kerry James, Booba, il y a toujours un moment où l’on passe d’un art spontané à quelque chose de plus sophistiqué, en d’autre terme de quelque chose de plus calculé. Qu’on entende bien ce que je dis, “l’art spontané” ne signifie pas que “Le combat continue” ou “Temps Mort” ont émergé de rien, il a fallu une certaine maîtrise à ses auteurs, une compréhension de leur art pour les livrer au public. Par spontané, j’entend qu’ils étaient des produits de leurs époques. Un public qui a de la culture et de la connaissance sait ces choses de façon intuitives.

On va pas se mentir, aujourd’hui la majeur partie du public de Gims n’est pas un public qui a beaucoup de culture. Oui, même parmi ses fans de la première heure,et en particulier pour ces fans qui sont restés. Gims en est aujourd’hui parfaitement conscient, et cela a des conséquences, cela cause des problèmes dont on va discuter ici. Pour évacuer le truc, il faut déjà dire que l’album n’est pas à mettre dans une case. Je réfute complètement ceux qui disent que l’album est pourri. Absolument pas. De même que je réfute ceux qui me vendront ça comme la nouvelle Dope : Ce n’est pas non plus le cas. Au niveau du rap comme au niveau, simplement, de la carrière de Gims, alias Maître Gims, alias le Fléau. Eh oui, on se souvient tous de cette phrase qui a consacré le nom du Fléau, dans “À 30%” :

J'suis passé de Gims à Maitre Gims, bientôt tu m'appelleras Le Fléau

Las.

C’est son album qui, aujourd’hui, s’appelle “Le Fléau”. L’artiste lui, est retourné au “Gims” d’antan, et ce n’est pas pour le meilleur. On pourrait se poser la question, néanmoins, du rapport qu’a Gims avec les succès de son passé. Il y avait des références à l’intérieur, déjà de la pilule rouge, avec l’intro, avec divers dédicasses, des références à la terre du milieu, à “Parigos”. Puis, il y a eut la Ceinture Noire, et le morceau “60%”, que j’avais trouvé naze à l’époque, coincé dans une nostalgie envahissante et complètement à côté de la plaque, et ce malgré la présence de quelques bonnes punchlines. Avec cet album nommé “Le Fléau” on arrive à un autre stade dans ce fétichisme, mais, fort heureusement, la nostalgie n’est pas aussi présente sur les pistes du projets.

On en trouve, ici et là, par petite touche. Oui, parfois dans des intonations, dans des flows que l’artiste arrive à placer ici et là. On retrouve parfois un feeling, une ambiance proche de ZeArt. Mais c’est là un plaisir discret pour initié, Gims n’essaye pas d’imposer à la nouvelle génération ces souvenirs de la fin des années 2000. La nouvelle génération ? Qui que quoi ? Qu’est-ce que ça vient foutre là ? Eh bien, il s’avère que c’est aux nouvelles générations de ces auditeurs que s’adresse principalement ce nouvel album - qui plus est, des générations pressenties comme ignare. Ce n’est pas simplement une faute de goût, c’est une stratégie, et c’est ce dont on va parler aussi.

Enfin, il faut également ajouter, afin d’enlever les passions, dans le contexte du conflit avec cette talentueuse pompe à vélo qu’est devenu Booba. Premièrement, oui, j’écris cette critique très à l’avance, parce que le projet a fuité. Des leaks sont partis sur tous les sites, accessibles comme rarement. Ce n’est pas la première fois qu’un album d’un membre de la Sexion leaks, 3dumat ou Fame ont été révélé quelques heures ou quelques jours avant leur sortie officielle, de même pour l’album “Il était une fois” de Black M (raison pour laquelle ma critique était sortie le soir-même, il y a un peu plus d’un an). Cela permet même de mieux s'imprégner avant de donner un avis définitf.

Ce n’est pas un drame si des gens l’écoutent en avance. C’est beaucoup plus dramatique lorsque les contributeurs, les “fans”, d’un forum réputé et lu s’en font les publicitaires, du fait de l’impact que cela peut avoir, couler l’artiste dont on est fan n’est pas lui faire hommage. Surtout lorsque l’album est annoncé (par le biais d’un reportage netflix pas forcément accessibles, mais dont nous avons pourtant parlé sur ce topic) comme reversant ces fonds à des organisations humanitaires situé dans un pays comme la République Démocratique du Congo, ex-Zaïre, l’argent de centaine de stream ou de vente physiques peuvent potentiellement partir en fumée, on comprend la responsabilité de celui qui décide de révéler le leaks ici.

Mais là est le minimum d’intelligence sociale à avoir, en d’autres termes : “lorsqu’on sait, on ferme sa gueule”, c’est dit.

Dès lors je considère la question comme réglé. Nous pouvons passer à ce qui intéresse les lecteurs, à savoir, la critique.

Évacuer les bons morceaux


Car, oui, à l’intérieur du Fléau réside de véritables pépites. Des morceaux qualitatifs. Déjà, je pense à “Immortel”, qui a introduit, annoncé le projet, et qui s’est proposé aux auditeurs avec un clip, voir même une annonce, une sorte de bande-annonce de 6h diffusé en live sur youtube. J’y étais, j’ai vu, j’ai pris énormément de screen, j’ai record une partie. Evidemment je n’ai pas eut la patience de regarder les mêmes évènements passer en boucle. Laissant défiler des personnages qu’on pourrait croire sorti tout droit d’un Red Dead Redemption ou d’un South Park, dont les cagoules du KKK indique leur sombre dessein, la vidéo était divisé en chapitre  - cependant, très difficile d’en tirer quelque chose. Il semblerait que, à l’image du morceau, ce livre-métrage donne davantage à voir des “impressions”, des “atmosphère” que, formellement, un fond solide. Des personnages qui bouffe bruyamment hors-champ, un arbre qui prend feu…

Un éléphant qui défile avec une date gravée sur le cul. Ouais, c’était vraiment la seule information valable, la date de sortie au 6 novembre. Évidemment, avec la sortie repoussée, au 4 décembre, la mise en scène est tombée totalement à l’eau.

Ce serait faire un oubli grave que de ne pas signaler que le morceau est couplé à une introduction orchestrale, qui rappelle gravement celle de Subliminale, pas pire que celle de La Ceinture Noire, mais infiniment moins belle que l’intro de la pilule bleu de MCAR. Transition, parlons du morceau en lui même : Il introduit deux backs qui vont s’avérer très fréquent, “Twenny Twenny” et “Ziid ziiid”, des gimmicks qui sont pas pire que ceux que les rappeurs introduisent de nos jours dans leurs projets. Le morceau a un texte décousu, égotrip par moment, introduisant parfois des petites line sortant un peu des sentier battu du pur exercice “noir comme les tyrans de téhérans”, ça parle du clairon, de Jeff Bezos, des référence à prédominance religieuse et de l’épanchage sur des membres de l’hyperclasse économique. Comme souvent. D’ailleurs, c’est qui l’enjoint d’ailleurs à parler du “PIB des Pays-Bas”, ce qui, certes, rebondit bien, mais se trouve être d’un ridicule assumé. ça me rappelle un sketch de Thomas Ngijol, où, mis face à Orelsan, il se trouve forcé de baragouiner des trucs (“euh, pendant que le PIB de… Et moi je suis là, qui mange des pâtes”) censé rappeler les compil’ de rap conscient les plus claquées.

De la conscience, là, dans ce projet ?

Bien que je déteste le terme de “rap conscient”, (pourquoi pas du rap woke tant qu’on y est, d’ailleurs on y sera tôt ou tard lorsque des petits bobos blancs vont décider d’en faire une marque), certains se sont souvent beaucoup épanché sur le fait que “Ouii mais à l’époque tu vois, Gims et la Sexion c’était du rap conscient…”. C’est quoi, “conscient” ? Parler du racisme, de la douille de bosser pour manger ? De la pauvreté ? Mais ça, mon petit gars, ce sont des thèmes que quasiment tout le rap a abordé à un moment ou à un autre. Ne reste au “rap conscient” que la défense des phoques chinois ou de la permaculture. Sans méchanceté, le rap conscient ne se distingue qu’à partir du moment où il enrobe un engagement personnel (artistique ou concret).

Quel est l’engagement personnel de Gims ? À priori, rien sur le plan artistique (on verra pourquoi, même si je suis pas sûr qu’il soit nécessaire de l’expliquer…). Sur le plan concret, il a des projets pour l’Afrique, déjà son projet d’eau potable, ensuite, reverser les fonds de cet album à son bled, Yolo. Fichtre, pas un seul morceau, pas une seule punchline faisant référence à l’accès à l’eau, à la misère de l’Afrique. Ce n’est pas une punch sur la fortune de Bezos qui va transformer Gims en rappeur conscient. Celui-ci semble davantage intéressé par la forme, la mélodie qui émane de ses morceaux (ce qui n’est pas forcément un défaut en soi). Il y a bien un son qui parle de Yolo, le morceau “Yolo” (rien à voir avec le meme pourri du début des années 2010), dans laquelle il parle de quelques trucs, mais surtout de sa propre sécurité financière. En lingala, il nous dit :

Toujours au haut niveau, il y a personne derrière, chicote et chicote, enfant de Yolo je suis toujours là

On peut considérer que c’est un choix artistique que son manque de soucis puisse lui permettre de tourner à nouveau son regard vers l’Afrique. Maintenant qu’il n’a plus peur, va-t-il enfin faire preuve de générosité ? Sur ce questionnement, rien qui interroge la fortune, rien qui interroge la misère crasse de son bled, ni son changement d’attitude. En espérant que l’argent soit vraiment reversé, sans quoi les habitants de Yolo devront se contenter d’une représentation, via 4 lignes en lingala de leur fils prodigue. Et puisqu’on parle des chansons, j’embraye sur “Origami”. Un son qui fleure bon la pop de la moitié des années 2010, peut-être, presque en décalage avec son temps, et qui pourtant s’avère, tout comme Yolo, avoir une topline diablement efficace. Je n’ai pas grand-chose à y rajouter, si ce n’est que, là aussi, le clip s’avère déterminant pour donner sens à ce récit, finalement assez linéaire. Paraît-il que le texte aurait été écrit par sa femme. Eh bien, c’est qu’il y a quelque chose à fouiller de ce côté-là.

Revenons à “Immortel”, car, un clip, il en a aussi un. Et quel clip ! En voilà un qui a dû coûter une blinde, très cinématographique, une succession de scène, dont, cependant, on peut se demander si elles sont toujours liées au texte que Gims balance. Oui, peut-être y avait-il là une tentative de rendre hommage aux martyrs égéries de Black Lives Matter ? Peut-être y avait-il l’envie de parler de son parcours, des “différentes vies” qu’il a traversé. Difficile à dire.

Mais puisqu’on parle de rap, et qu’on parle notamment de différence entre rap conscient et de posture esthétique consciente, je me propose à aborder d’office mes deux sons favoris du projet, dans leur ordre d’apparition, “Twenny Twenny” (morceau d’une très grande intensité) et “Thomas Shelby”, sons purement kickés et qui transporte des énergies absolument phénoménales. Le premier, d’abord, bardé de référence (au monstre marin, “maquillé comme hoolywood) mais aussi au rap en général, et américain en particulier (“J’suis né à Kin, j’suis pas un blood né à cribbs” - une revendication d’identité qui tombe un peu à plat au vu de la présence du morceau “OG na OG”, qui vient juste après et dont on va aussi parler). Bien sûr, sans surprise, ces deux morceaux mettent en avant une attitude cryptique, des expressions énigmatiques, non sans quelques balourdises (“ça part vite comme l’argent du crack”) - “ce n’est que du hip-hop”, laisse entendre qu’il s’agit plus du simple hip-hop, sans forcément le montrer. Plusieurs référence se trouvent également cachés dans les flows (pirouette hein / poète hein = flow qu’on retrouve par exemple dans “Du Coq À l’ ne” ; “pendant que les ennemis font les girouette” = on retrouve le même dans son couplet sur “Fin de Dream”, etc.) et encore beaucoup d’autres. Bien sûr, en terme de texte pure, on retombe dans les écueil de Gims, à savoir les “conseils avisés” (fait-ci, ne fait pas ça…) ainsi qu’un langage descriptif purement allusif (“l’ennemi est déjà tout autour, mon poignet pèse lourd, etc.”).

Il prouve qu’il en est toujours capable, et le morceau fonctionne, vraiment. Il y ramène même une vibe devenu plutôt inhabituel en 2020 - même si, encore une fois, cela tient davantage de la posture que du morceau détenant une réelle profondeur. Et puis, il a beau installer un univers intéressant, cela se fait, très exactement sur 2 minute 16 secondes. C’est un peu court, d’autant que cette briéveté n’est pas forcément comblé par d’autres morceaux. Le morceau très court très rap (et très frustrant) c’est un exercice auquel nous a habitué la Sexion (récemment, l’interlude de Lefa, par exemple), mais il a surtout sa place dans un album qui permet de mettre le morceau en évidence. Le risque ici et qu’après que je vous en ait parlé, plus personne n’en parle jamais, de ce “Twenny Twenny”.

Il y a bien le dernier morceau de l’album, à savoir “Thomas Shelby”, carrément un peu plus consistant, avec sa prod discordante. Encore de la description allusive, beaucoup plus de phases religieuses, des phases “complot” (“comme un reptile”, “le berger est sourd, le mouton est aveugle”), même parfois assez chaude du cul, il faut bien l’avouer même si c’est fait intelligemment (“Adolphe est sûrement en train de rôtir, on rentre mais on r’sors pas d’chez les Rotschild”). Tout ça pour faire référence à “Thomas Shelby”, le personnage principale d’une série anglaise, apparemment. ça a l’air long à regarder et j’ai pas envie de tout me taper pour deux pauvres lines à son sujet. Gims se considère donc comme “chef de meute”. ça dépend laquelle - car, en effet, Gims arrive à glisser, entre ces deux morceaux précédemment cité, une incohérence - dans “Twenny Twenny” il dit que “rien ne bouge, rien ne change”, dans “Thomas Shelby”, il s’avère que “le temps s’effrite et qu’il a l’air con comme quand il prend un selfie”. Difficile d’interpréter autrement cette deuxième line que comme un aveux d’abandon du rap. T.S arrivant à la fin de l’album, il s’agit peut-être d’une évolution chronologique, mais bref, en tout cas, le discours diffère.

J’aurais bien voulu un album avec plus de Twenny et de Shelby. Franchement. Mais, bien évidemment, c’est pas le cas. Mais ce n’est pas pour autant que tout les autres titres sont mauvais.

Des fulgurances, pleins de morceaux qui mérite qu’on s’y arrête

Dans cette catégorie, je ne peux pas ne pas citer Pendejo (ft. Bosh), morceau sympathique, et même si j’aime pas Bosh, il faut bien avouer que le refrain passe, et que Gims y a un fulgurant couplet (les rimes en multisyllabique a-a-a, mêem avec tout le rap qu’on se bouffe aujourd’hui, il faut reconnaître que c’est incroyable). Bosh ne jure pas avec l’ensemble et vient renforcer le morceau avec des gros adlibs suraïgues. Je cite ce morceau en premier car je crois que c’est la meilleure traduction en rap moderne d’une formule Gimsesque - bien plus réussi que le feat avec Leto, “Côté Noir”, qui m’agace plus qu’autre chose. Déjà parce que Gims prend des plombes avant d’arriver, parce que les petites nuances de la prod sont perdu dans un bordel audio, le refrain est bâclé (“NoIr nOir Noir !”). Finalement, même le couplet de Gims, faussement rapide, a l’air un peu de voguer sans ce truc qui tape. Enfin, c’est sans doute du feeling si je dis que le morceau me fait chier. Je crois que là, la posture de faire du “faux rap rapide” ne marche pas, et du coup ça marche pas sur moi. Sans être horrible, lors de mes réécoutes, je l’ai assez rapidement zappé.

Trois morceaux, faisant partie de ce rap que Gims n’aurait pas appelé “rap” en 2016, se retrouve sur l’album. Et très franchement je ne peux pas dire qu’ils soient ratés, même si à la première écoute j’étais un peu sur ma faim, c’est à force de ré-écoute qu’ils gagnent en valeur ajoutée : Je parle bien sûr de “OATS”, “OG na OG”, et “C’est Comme ça”. Il y a des refrains assez efficace, des trucs de tenté qui me semble pertinent, la légère discordance autotuné de la comptine “OATS” lui donne une fausse innocence très, très appréciable, même si ça ne jure pas du tout avec ce qui se fait de nos jours, vous pouvez entendre Soolking, RK, Nihno, tout une floppée d’artiste faire ce genre de truc. En général ça m’emmerde, là ça a un peu changé mon avis. Au moins pour ce morceau-là. De son côté, l’aérien “OG na OG”, qui donne lieu a une fulgurance ouf sur le deuxième couplet (“depuis quelque temps c’est plus la même !”), le refrain rapide, la prod en nappe nuancée, tout. Soyons honnête, c’est un bon morceau, voir un très bon morceau, lui aussi inscrit dans une certaine modernité, il a même un caractère épique, pour peu qu’on se laisse à l’écouter. Enfin, le également très aérien “C’est comme ça”, qui, sans être une pure copie de Drake, a un indéniable côté Toronto. Ce morceau nous amène à nous concentrer sur la sonorité, et moins sur ce qu’il dit, or il y a là de véritable séquences, oui, une science de la mise en scène qui nous revient de la pop urbaine. Le refrain est inhabituel, il a de la personnalité. Une personnalité que j’apprécie, vous l’aurez compris. Ce genre d’exercice n’est pas inédit depuis la réédition "Transcendance", qui abondait de morceaux comme celui-ci (au premier rang duquel “VBT”, dont ces morceaux sont la continuité logique).

Enfin, un peu à part, je met “Dans sa tête” ft. Jaeckers. Comme pour beaucoup de feat dans cet album (parfois y a marqué “feat avec X nilo virus, feat avec Boumidjal X (sur OATS), feat avec Tifyala, sur Tweny Tweny) on a ici affaire à un inconnu total. Cela mérite qu’on s’y attarde : Pourquoi annoncer des featuring sur des morceaux où, excepté Boumidjal, les gars ne sont pas à la prod ? Les crédits, qui explique que ces derniers sont compris dans la “composition” du morceau ne nous permettent pas de savoir quel est leur rôle réel là-dedans. Il est possible qu’il ait expliqué à Gims les nouvelles règles, l’ait mis à jour (chose très fréquente, même chez les meilleurs) - néanmoins j’espère que cela ne signifie pas qu’il s’est fait ghostwritté. Si aux USA les auditeurs de rap s’en branle, ici on donne quand même une importance à l’image de l’écrivain-compositeur-interprète. Pourquoi j’en parle maintenant ? Parce que, dans le morceau avec Jaeckers, Gims a un flow… On dirait celui de Lefa. Lefa n’est pas crédité sur le morceau bien sûr (en fait il est dit qu’il a été “composé” par Bugati Beatz, qui est pas connu pour poser). Si Fall n’a pas écrit ce texte, alors c’est lui que Gims a copié, même flow, même intonation (voir “Pause”, voir “Maniaque”). C’est un morceau de “FAMOUS”, je suis catégorique. Il y en a un en particulier, j’arrive plus vraiment à foutre le doigt dessus, parce que c’est peut-être un featuring, on dirait vraiment le jumeau de celui-ci. Reste le problème du plagiat de ce morceau, chose que j'aborde un peu plus bas.

Enfin, je vais rajouter une remarque sur "Oro Jackson". Sur le moment, la tentative Drill de Gims (en feat avec Gazo ici) ne m’a pas du tout convaincu, notamment parce qu’il y a des rimes un peu naze - je crois vraiment que Gims a tenté, comme il a pu, de remplir les cases. Le morceau n’est pas raté pour autant, en ce sens qu’il mise sur ce que mise les morceaux Drill en général, c’est-à-dire, tout sur l’attitude (et non sur la simple posture). En ce sens, il se laisse très honnêtement écouter. L’intonation de Gims, grave et à bout de souffle sur “J’suis la Sunna j’ne suis pas la mode” met vraiment le feu. Il y a quelque chose à creuser de ce côté-là.

Avec tout ce que j’ai dit, outre quelques petits défauts ici et là, quelques imperfections, on pourrait se dire que rien n’empêche le projet d’être dans la fourchette la plus haute. Oui mais voilà, il y a tout de même un problème. Récemment, l’ami Enwar a dit que l’album était un peu fadasse, et je pense savoir pourquoi (c’est pas vraiment le cas, hein, c’est juste un artifice rhétorique pour donner mon avis).

Plusieurs hypothèses, outre le fait qu’il est parfois difficile d’être convaincu après la première écoute (même avec ce qui allait devenir mes projet favoris sur le long terme), c’est que, tout bien réfléchi, l’album s’écoute mal en entier, mais plein de morceaux de celui-ci s’écoute tout à fait bien à la suite. Pour mieux expliquer ça, je dirais que l’album est davantage destiné à être une sorte de Playlist : Comme vous l’avez vu, il n’y a pas de soucis à le juger suivant n’importe quel ordre, et j’ai décidé d’organiser le mien selon de vague “style” sans pour autant qu’il s’agisse de catégorie bien fermé (encore que Tweny/T.S soit de la même obédience). Si ce genre de projet peut avoir ses qualités, il a aussi comme défaut de laisser un goût de rien du tout une fois qu’il est passé. La tracklist s’auto-comble, en effet, là où certains morceaux sont plus durs, d’autres sont plus doux, et comme deux sons inverser, il en résulte un certain “silence” - la fadasserie dont on parle. Ma première hypothèse découle logiquement de la deuxième : c’est qu’on a pas un “bon projet” mais assurément un tas de “bons morceaux”. Car oui, écouter le projet d’une traite c’est aussi s’exposer à des morceaux dont on se demande pourquoi ils ont été retenus.

Mais qu’est-ce que ça fout là / 20

Au premier abord, on penserait à “Jusqu’ici tout va bien”, générique d’une série pour tradasse sur TF1 (notez, je ne la connais pas mais je la déteste déjà). Un morceau variét’, une tentative d’avoir un hit pour vendre l’album, un sushi sans poisson, un sandwich au pain. Même avec les petits ponts musicaux ici et là (“à base de suit-moi suit moi” etc.) le morceau est dénué d’intérêt. Mais vraiment, je dis pas ça pour être méchant, ou mauvais de façon gratuite : Rien des styles de variet’ appréciable que l’on pouvait trouver ici et là sur Subliminal ou sur LCN, voir même sur MCAR. “Je CROIS que tout va bien”, même la phrase d’accroche martelé manque de punch. Le son est sans teint, vide, c’est un bruit blanc à mettre entre Joséphine Ange gardien et Camping 3, et je dis ça sans mépris pour ceux qui regarde, mais avouez que ça fait tache sur “Le Fléau”. Je pense pas que le fléau en devenir sur “30%” pensait un jour atteindre l'hypocrisie des aventuriers de Koh-Lantah.

Mais il faut être censé, il faut être honnête, corporate. Gims doit bien se placer, gagne beaucoup d’être associé avec Play-Two - c’est-à-dire avec le groupe TF1 (comme il l’expliquait dans son 360tvshow). Il était logique que cela advienne, et que le son soit aussi plat - c’est un son de commande. En le plaçant sur l’un de ces projets, Gims va peut-être réussir à taper une Sacem monstrueuse. Mais en question purement artistique, le morceau est déconnecté du reste, il n’a rien à faire là. C’est un peu le Gims qu’on déteste, celui que tout le monde connaît, en fait. Le Gims pour ignare, depuis Bella, jusque... ici tout va bien. Hamdoulilah.

Alors bien sûr, si la volonté de faire son biff pouvait expliquer l’erreur précédente, je suppose aussi que les autres erreur ont leur place sur la liste du cancer audio. Comment vendre un maximum d’album de nos jours ? Deux possibilités de bracos : 1) Mettre le son d’une B.O dans un album chose qui se fait depuis les années 90’s - c’est encore plus efficace quand c’est de la variet’ accrocheuse 2) Faire des featuring. Plein de featuring. Soumettre carrément la réalisation de son album à la présence de featuring, pour que la clientèle, ignare comme chacun le sait va foncer en se disant “lol y a un feat avec mon artiste fav dessus rt j’achète sah”.

Évidemment, il va de soi que c’est pas vraiment comme ça que ça marche, surtout pour un artiste installé comme Gims. Mais ce n’est pas ce qui l’a empêché de nous foutre trois featuring honteux : Le premier, en ordre d’apparition, est "Sicario", en feat avec Heuss l’enfoiré, qui nous propose un enième décalque de son succès “En esprit”. Gims y pousse un refrain sans âme, est des ponts à base de “J’fais du sale”, là où un auditeur attentif ne peut voir que du potentiel gâché. Je soupçonne d’ailleurs Heuss d’avoir eut plus d’impact lors de la compo, tant elle est pauvre. C’est le même soupçon qui m’anime lorsque j’entend “Grosse bleta”, en feat avec Kaaris. Sauf que là on atteint un niveau de médiocrité encore jamais vu. Qu’importe le conflit avec Booba : Kaaris et Gims partage très mal le même espace audio. Le refrain débilitant n’est pas sans rappeler ceux qu’a pu écrire Kaaris, en particulier sur son dernier album, 2.7.0. Quand Gims commence à nous parler de “Kichna”, de “grosse bleta”, je sais qu’il n’est pas derrière la plume. Les deux couplets jurent, ne se marient pas. On sent bien que Riska a essayé d’infantiliser sa plume, parce que c’est bien connu, Gims est écouté par des enfants. Je dis “essayé” parce qu’il craquera au bout de quelques lines pour nous parler de, je cite, manger de la schneck. En terme de featuring, c’est clairement le pire qui puisse arriver - qu’on y croit pas.

Reste alors le morceau avec Vald.

Et alors là, on ne sait pas trop ce qui s’est passé. J’en suis à la 10ème écoute, le truc me laisse toujours aussi circonspect. Là, je dirais que la création du morceau a dû se dérouler à peu près comme ça - un Gims essayant de prévoir un son pour un featuring avec un artiste qu’il n’a jamais écouté, mais dont on a dit qu’il “disait des trucs bizarre” (c’est à peu près ce que raconte ceux qui n’écoute pas bien Vald), sur des prod trap. Prévoyant le coup, il a essayé de reproduire ça - ce qui explique le refrain et le couplet un peu perché de Gims - et a rajouté Vald à l’arrache dessus, parce que Vald fait vendre, et parce que Fall a refilé le num. Bien sûr Vald c’est Vald, donc il a quand même tenté un truc. Et le truc en question n’a strictement aucun rapport. Pire, Gims est en égotrip, parle des “enfants qui n’y connaissent rien”, Vald répond “y a que moi que j’ai envie de dépasser j’en ai marre de faire des feat” et du coup, on dirait presque un clash à l’envers, incompréhensible. Vald, qui semble en pleine phase de récupération de la commu de joueurs Fortnite (avec ses réf “au stream”, et récemment son morceau namedroppant le streamer Gotaga), est dans son délire, Gims dans le sien, à aucun moment on imagine même qu’ils se sont concertés.

Un peu comme deux autistes, chacun dans sa bulle. Ce qui est loin d’être illogique, bien sûr. Il n’empêche, le morceau est plutôt décevant. Et finalement, assez représentatif de cet ensemble de feat qui ne m'ont pas convaincu. À mon sens, un trop grand écart qu'aucun sauveur providentiel n'a osé relever en studio. Il est temps de changer son entourage. Certains ont même souligné que le morceau, en tout cas le couplet de Gims, à celui de Travis Scott dans "Sicko Mode" (dans l'intonation, le flow et même la prod) - je l'ajoute tardivement car je ne suis pas de ceux qui poncent Travis. Un plagiat ? C'est la cerise sèche sur le gâteau gâché. Et il y en aurait un autre sur le morceau avec Jaeckers, qui ne serait pas sans rappeler le "Cry me a river" de Timberlake, encore une fois, pas ma came du tout, raison pour laquelle je suis complètement passé à côté.



Conclusion


Je me suis pas mal étalé sur cette critique, et j’ai essayé d’être objectif, en mettant à distance mes éventuelles attentes, ainsi que mon soulagement. Bien sûr, le projet n’est pas aussi énervé que prévu, et, alors que Gims clame, sur toutes les télés de France, rechercher à nouveau une forme de spontanéité, il passe totalement à côté de cet objectif pour servir un projet qui est tout fait de calculs. Pas de gros pétage de câble, pas vraiment de propos houleux (ou si peu) pas de prise de risque qui mériterait le titre de bravoure.

Est-ce que Gims a cru dans ce projet ?

Quand on se penche sur la communication et la façon dont le projet a été amené, on peut sérieusement en douter. Arrivant avec un documentaire Netflix, avec un clip cinématographique à outrance, se présentant comme un projet humanitaire, et finalement défendu dans les médias grâce à des sons de pop urbaine, il est évident que Gims, voulant à la fois être chanteur ET rappeur, et ayant perdu progressivement sa seconde étiquette au profit d’un succès environné de “Bella” et de “Sapé comme jamais”, pensait que son retour dans le rap serait compliqué - et tout dans le projet est là pour en faire un album très solide, trop solide presque, une armure un peu vidé de son âme, et c’est là un défaut qu’on peut lui trouver.

Il n’empêche : si l’on sort de ces considérations venues d’un autre âge, on ne peut pas nier que le projet est, en grosse majorité, remplit de morceau plutôt qualitatif, qui se laisse vraiment écouter dans le paysage rap actuel. S’il passe à côté des attentes des puristes passéistes comme on est en droit de l’être, il tente de créer quelque chose de neuf dans la carrière de l’artiste et fait montre d’une réelle volonté de faire tout plein de trucs. L’album se présente comme un couteau suisse démonstratif - partant de là, tout les embranchements deviennent possible, et ça c’est une réelle qualité, mais qui peut être difficile à capter pour qui est resté le nez dans la Terre du Milieu, sans s’intéresser au milieu plus large qu’est le rap. Reste que l’album ne se suffit pas : Aujourd’hui, le rap est devenu riche, exigeant. Si “Le Fléau” est une mise à jour pas dénué d’intérêt, il ne va pas pouvoir donner à Gims la place de “roi du nord” à laquelle il prétend dans le rap actuel.

C’est le moment de réaliser que ce que Gims n’est pas, il ne l’a peut-être jamais été. Non qu’il n’ait pas donné à la postérité les morceaux qu’on lui connaît : Mais sa carrière dans le rap, qui a pu avoir lieu dans un espace relativement vidé de la concurrence à la toute fin des années 2000, a suffisamment manqué de colonne vertébrale pour qu’aujourd’hui soit définissable une identité propre. Tweny et Shelby ont l’air de surnager au-dessus d’un espace où se côtoient “du X” ou “du Y”. Du Nihno, du Heuss, du Kaaris, du Drake, du Soolking, du Lefa, même. Tout comme Lefa a dû donner des gages et se (re)produire un style propre, Gims devrait au moins disposer de l’espace de deux projets pour vraiment s’user à nouveau à l’exercice. Mais c’est là le problème : Il ne le fera pas. Comme il a été plus simple de jeter au rébus les “du Coq à l’âne” pour aller s’épancher sur des “Désolé”, Gims retournera se planquer dans la pure pop à la première occasion. Il y a plusieurs raisons à ça : À l’époque, le rap avait des codes très contraignants pour quelqu’un de davantage intéressé par la musique au sens large. Il fallait bien bouffer, etc. Raisons à laquelle s’ajoute à présent une stature de diva internationale au train de vie excessif, s’accompagnant d’un entourage pas toujours très sain artistiquement parlant.

La prise de risque mérite d’être saluée. Le résultat, malgré ses défauts inhérents, est bourré de qualité, efficace, bon. L’album est bon, mais ne parvient pas à dissiper des gros pans d'incompétence, et notamment ces plagiats. Sont-ils conscient ou non ? C'est tout de même assez risqué d'en faire avec une telle exposition. Je n'ai pas envie de refuter l'avalanche de critique, en espérant que Gims soit secouer et livre un meilleur futur projet. Reste que, puisqu'on parle de celui-ci, il y a des bons morceaux, et je pense qu’on aura rien de tel avant au moins cinq ans tant les affres de la Zumba sont, chez cet artiste, capricieux.

Mais attendrons-nous cinq ans ?

Pour ma part, j’ai beaucoup attendu, et Gims donne trop peu pour un amateur de rap. 9eme-zone était un forum qui donnait de la voix à ceux qui aimait le style de la Sexion, il n’était pas destiné à être un blog de fans inconditionnels. Comme je l’avais expliqué à l’époque, Gims sortait déjà un peu, beaucoup même, de notre zone de juridiction avec la Ceinture Noire. Aujourd’hui il tient difficilement la comparaison et semble être monté sur un char trop lourd pour se mouvoir avec efficacité comme peut le faire un Lefa (ou, dans une moindre mesure, un Barack Adama). Il y a pas de mal à grandir, pas de mal à s’intéresser à ce qui constitue le paysage rapologique, faire mentir ceux qui vous prennent pour des vaches à lait ou des ignares.

Se tirer vers le haut soi-même et ses exigences, c’est tirer vers le haut ceux qui produisent de la musique. Lever le nez de la nostalgie, c’est se permettre de tourner le visage vers de nouvelles légendes. Oui, décidément, qui sait imaginer ne perd jamais vraiment espoir, je pense que c’est valable pour nous tous. Même pour les nostalgiques, même pour les auditeurs occasionnels. Même pour les stars de la musique.

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